Post bourré de spoilers : si vous connaissez la série et que vous n’avez pas encore lu le volume 9, passez votre chemin (ou allez le lire tout de suite) ; si vous ne connaissez pas la série, lisez, et allez achetez les 9 volumes, tout de suite.
Pourquoi faire un article sur Real, alors que je l’ai déjà fait ?
En ce vendredi pluvieux (très pluvieux, je suis sortie de la gare et en moins de 30 secondes j’étais trempée jusqu’aux genoux, intérieur des baskets compris), je me suis rappelée qu’Anne avait rappelé la sortie du neuvième volume de la série, chose toujours surprenante, car des tomes de Real, il n’en sort qu’un par an. Un volume annuel précieux, à lire avec lenteur et excitation, avec émotion aussi.
Ce neuvième volume est plus serein que les autres. Takamiya ne court plus d’un job à l’autre (il est au chômage complet), ne se complaît plus dans le remord ; il va faire comme son pote Vince, l’unijambiste basketteur : il va faire un choix, celui de tenter à nouveau sa chance, lui l’exclu associable, l’handicapé de la vie, sans équipe lycéenne (viré du lycée), sans équipe d’entreprise (viré des entreprise), il va quand même tout reprendre et passer les tests pour entrer en équipe pro. Devenir pro à 18 ans, quand on n’a pas joué en équipe depuis des mois ? Et pourquoi pas ?
Takamiya va faire encore plus, un seul geste qui va changer la vie de son ancien ennemi Takahashi : il va lui dire que lui, il a fait un choix, et qu’il n’en démordra pas.
Ca fait maintenant neuf volumes, neuf ans pour le lecteur, que Takahashi se débat avec ses vertèbres en morceaux, sa mère surmenée, son père absent et ses tortures de séances de rééducation. L’ancienne star, le mec mignon de la classe absolument imbuvable est seul et ne marchera plus jamais. Un catcheur arrive dans sa chambre, accident de moto, mais porté par un seul rêve : dans trois mois il est de retour sur le ring. Impossible bien entendu : trop tassé, trop lourd, trop musclé, le catcheur est, privé de jambes, un être faible et amoindri. Mais il est sûr de lui. Takahashi le cynique observe, parle même, partage, se transforme.
Quand Takamiya lui annonce qu’il va devenir pro, Takahashi se moque, fort, parce que les seconds choix, ça n’existe pas, ni pour lui ni pour son ennemi. Et puis, soudain, enfin, enfin, il se rappelle de Nomiya, cet unijambiste qui leur avait foutu une raclée en basket. Enfin, Takamiya comprend qu’il a le choix.
Ca peut paraître vain, simpliste, presque niais et on peut s’exclamer « enfin », parce que Takahashi et l’handibasket, c’est une évidence depuis toujours. Et puis on se rappelle ce par quoi il est passé : le déni, la solitude, la colère, la compréhension, la tentative de suicide, les déchirures et le pardon. Takahashi n’a jamais cessé de penser au basket, et pourtant il n’a pas eu le temps d’y penser.
C’est quelque chose d’extrêmement troublant quand, dans les moments de doute, on sait, tous autant que nous sommes, quelle est la solution, quel est le chemin à choisir, mais sans vraiment s’en rappeler, parce que ce choix reste toujours dans l’angle mort, parce quand on y pense on croit que c’est impossible, simplement parce qu’on ne regarde pas le bon chemin.
Ce manga est un miracle. Dans un an, peut-être, nous aurons la suite.